Récits Compostelle - Étape 23 - Foncebadon - Ponferrada 25 km

Je ne sais pas si c'est dû à la fatigue, mais la nuit s'est bien passée malgré la promiscuité dans ce gîte, 18 places dans 30 ou 35 m2… Je me lève tôt vers 4h car l'étape d'aujourd'hui est longue, 27 ou 28 km et j'aimerais bien être à la cruz de Ferro pour le lever de soleil. Nous sommes deux, puis trois à avoir eu la même idée. Le troisième, qui partira au moins 1h après nous, est un Espagnol manchot du bras droit, (un peu comme dans le feuilleton "le fugitif" !) - je l'avais déjà repéré hier, quel courage… Départ vers 4 h 45.

Ici pas d'éclairage public, il fait nuit noire. Comme il n'y a qu'une seule rue, on n'hésite pas pour la direction. Sauf, sauf qu'au bout de 500 mètres il y a des bifurcations un peu partout, et le village étant en ruine, pas l'ombre d'une flèche sur des murs qui n'existent plus, je suis paumé… Je pense qu'en plein jour, les choses seraient différentes. Je ferais bien cinq aller-retour entre la fin du village et cet endroit. Finalement, je vais regarder, comme les Indiens dans les films, les traces laissées par les chaussures des nombreux pèlerins qui passent ici chaque jour. Ce n'est pas évident, car il y a des engins de travaux publics, et à mon avis pas mal d'ouvrier s'activent ici dans la journée, en fait, j'ai l'impression de voir des traces partout. Le sol ressemble certainement à celui de la lune. Une poussière grise le recouvre et vole à chaque pas, si bien qu'à la fin, à force d'aller dans tous les sens, j'ai l'impression , dans le faisceau de la lampe, d'être dans le brouillard. Dans cette pénombre, il serait facile de passer à côté du chemin ou d'une marque.

Je finis par me décider pour un chemin qui semble-t-il comporte pas mal de traces. Il me parait bien large… Mais il faut bien en choisir un. A 500 m du village, je me console de cette angoisse en éteignant ma lampe quelques instants pour admirer à nouveau, comme sur la Meseta, la voie lactée. J'ai bien dû perdre entre 30 et 40 min… Ça grimpe un peu. À moment donné, je vois un bout de papier provenant d'une barre de céréale, pas de doute, je suis sur le bon chemin. (je n'en n'ai jamais parlé, mais le chemin commence, à cause de certains, par devenir une poubelle).

Je grimpe ainsi pendant 1 ou 2 km ? je finis par déboucher sur une route. C'est déjà bon signe, car pour avoir vu des photos, la Cruz de Ferro se trouve en bordure de la route. Mais seconde question, faut-il prendre à droite ou à gauche ? suis-je avant ou après la croix ? Je crois deviner, dans le lointain, quelque chose qui pourrait y ressembler. Mais c'est beaucoup trop loin pour être sûr, et le paysage ne permet pas une vision panoramique. Je laisse mon sac à dos sur le sol et monte tout droit à travers les buissons vers le sommet de la colline. Arrivée en haut, même si je peux voir sur 360° je ne distingue pas mieux…Je redescends et prend la route à l'envers, car la croix que j'ai vu se trouve dans cette direction. 50 mètres plus loin, au détour d'un virage, j'aperçois au loin ce qui n'est qu'un pylône d'antenne pour mobiles…déception… Je reviens sur mes pas. Yes ! Yes ! l'ai-je raté tout à l'heure ?, voici un superbe panneau bleu avec la coquille. Ouf…j'ai enfin retrouvé le chemin, mais toujours pas la croix. Il faut traverser la route et reprendre à travers le maquis.

Je suis un peu déçu, car certainement que je ne la trouverai pas, elle est peut-être bien avant et je ne pourrai pas jeter la pierre que je transporte exprès depuis mon départ. De toute façon maintenant, je suis trop loin de Foncébadon, les vieux touristes d'hier n'ont pas pu marcher aussi longtemps. Je n'ai même pas fait 500 m que dans le lointain je distingue un monticule blanchâtre, ça pourrait bien être les pierres qui sont tout autour de la croix. Effectivement, plus je m'approche et plus je distingue la croix, et le jour est en train de se lever ! Je vois du chemin, les lacets de la route. Grand moment d'émotion. Après tout, au départ, je n'ai fait ce chemin que pour venir déposer ici un caillou avec le message qu'il transporte en lui, et j'y suis ! Le monticule est énorme, peut-être 4 ou 5 mètres de haut, telle une pyramide. Je dépose le sac à dos et sort le caillou. J'en ai un autre dans la ceinture ventrale. Avec pas mal de larmes dans les yeux, je lance les deux minuscules cailloux qui disparaissent aussitôt parmi les milliers d'autres… Il y a là aussi d'énormes blocs (dont je doute qu'ils proviennent de pèlerins ). Une prière et 10 min plus tard, je repars.

Cruz de ferro - Camino Francés
La cruz de ferro (la croix de fer)

Je marche depuis une bonne quinzaine de minute, la croix est maintenant hors de ma vue, il doit être 6 heures. Dans le silence du jour levant, j'entends un cri à la tarzan dans le lointain. il provient du côté de la croix. Certainement un pèlerin qui vient d'atteindre, lui aussi, la Cruz de Ferro, et exprime ainsi sa joie ou sa colère. Je dis sa colère, car quelques minutes plus tard, sur la route en contrebas, j'aperçois le manchot qui marche à vive allure. Pas de doute, c'est lui que j'ai entendu. Il est parti bien plus tard que moi ce matin, mais le voilà déjà devant ! je ne le reverrai plus… Alors cri de joie ou de colère, je ne le saurai jamais. Ça grimpe pas mal, mais ce n'est pas insurmontable. En tout cas très joli, surtout quand j'arrive au sommet en même temps que le lever de soleil. Maintenant ça descend, il est 11 heures.

Village de Molinaseca
Village de Molinaseca

Quand j'arrive au village de Molinaseca et son superbe pont Romain, je suis pas mal fatigué. Normalement depuis Foncebadon il n'y a que 12 kilomètres, mais avec tous ces détours, j'ai bien dû en faire 14 ! Je m'arrête à la terrasse d'un café et prends une bière pression (en espagnol : à la cagna) - Il fait vraiment très chaud, peut-être 30°. Une peregrino espagnole déjà croisée je ne sais où m'interpelle "Qué tal ?" (ça va ?) - Je lui dis que ça va, mais que j'ai un peu mal du côté des tendons - en bon espagnol: " Ba bene..pero un poquito tendinit (geste à l'appui.) Elle m'explique que du côté du pont Romain il y a une fontaine avec une eau glacée avec beaucoup de pression, et qu'elle est connue par les gens du village pour soigner les tendinites, et me dis que je devrais y aller. Gracias..Gracias… Je ne vais pas retourner en arrière pour ça. J'ai déjà perdu assez de temps, il reste encore du chemin sous le cagnas, cagnar ?…(soleil très chaud en "argo" catalan ?)

Ponferrada
Le château de Ponferrada

Je profite en chemin de quelques cerisiers isolés. L'arrivée à Ponferrada est un peu aléatoire au niveau de la signalisation de l'albergue. Les gens, toujours aimables, indiquent la direction chaque fois qu'ils voient quelqu'un avec sac au dos arrêté sur un trottoir. La route a été dure avec le soleil. J'apprendrai le lendemain qu'il faisait 45°. L'auberge est magnifique et l'accueil exceptionnel. Le meilleur de tout le chemin. On m'offre un verre de thé parfumé glacé. Des chambres de 2 ou 4 lits. Une superbe et immense cuisine. Bref, génial. La ville vaut le détour, beaucoup de choses à voir, dont le château des templiers, 2,5 euros la visite. Mais je n'ai pas pu rentrer, je m'y suis pris trop tard, il est fermé. Je dois dire qu'il est 20 h, et j'ai donc perdu un peu la notion du temps !

 

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Vidéo la marche aux étoiles

Avec l'aimable autorisation de Yvon Boëlle.

Présentation de l'exposition "Compostelle, la marche aux étoiles" réalisée par l'Académie de Musique et d'Arts Sacrés de Sainte-Anne d'Auray et le photographe Yvon Boëlle sur ses 15 années de reportage sur les chemins de Compostelle de France et d'Espagne.

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